jeudi 30 avril 2015

ADIEU PATRICK BESSON, ON T’AIMAIT BIEN, TU SAIS !

La nécro acerbe d’un Russo-Croate nommé Patrick Besson 
ou 
l’hommage funèbre de l’écrivain vendéen de Nantes, Jean-Pierre Raison

Cela s’est passé il y a un mois, dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 mars 2015. J’avais eu un mal fou à m’endormir, tourmenté que j’étais par un manuscrit que Dominique Gaultier, le directeur des éditions Le Dilettante, m’avait refusé… en 2010. Gaultier était allé jusqu’à m’écrire : « Ce n’est pas l’écrivain qui me déplaît chez vous, ce serait plutôt l’homme. » Gonflé, le Gaultier (un patronyme à la mode, mais un homme pas commode) ! Paraît qu’il est comme ça, pète-sec et tralala. Tout ça pour un manuscrit intitulé « Patrick BESSON (1991 — 2009) », inspiré par Besson lui-même, qui était ni plus ni moins qu’un échange de lettres, dont 90 % de mon cru. Chacun le sait, ce Besson-là, pourtant lettré, n’est pas courriériste (carriériste ? Ça se discute). Il s’aime trop pour échanger avec autrui, et il préfère jouer les pistoleros que les épistoliers, son domaine de prédilection étant le roman et la chronique… où il fait la nique à tout le monde.
Bref, ça parlait de Patrick Besson, et ce que j’en disais moi-même n’était pas folichon. Quand, tout à coup, Giesbert (le FOG du Point) a ouvert la porte de la pièce où nous causions, en hurlant : « PB est mort. » Dans la seconde, « Pébé » n’a fait tilt dans l’esprit de personne, mais quand FOG a précisé « le grand Patrick, merde ! », là on a tous été sciés, moi le premier. On aurait pu croire FOG meurtri, pas du tout. Son problème était la nécrologie du macchabée (insuffisance rénale suite à une violente crise de goutte mal gérée : kaput !). Et pof ! Il me désigne du doigt, en disant : « C’est pour toi, Jean-Pierre, ça lui fera plaisir. » En effet, il a dû se bidonner sur son plumard, faute de se retourner dans sa bière, tandis que j’ai failli m’étrangler. Contester FOG, c’était pas pensable, j’ai obtempéré, sans dire « Bien, mon adjudant ! », parce que j’aurais pris la porte, sans emporter la clé (et que fait-on quand une porte ne s’ouvre pas ? On la ferme et on se casse !). Et avec FOG, aux chiottes la clause de conscience, t’obéis ou tu t’inclines. J’ai fait les deux, et je me suis mis à l’ouvrage.
Dans le fin fond de moi, j’étais pas inquiet, j’avais un filon en or : Angelina Rinaldo, la spécialiste des enterrements de VIP (Very important person). Quand même, pas une minute pour me recueillir et pleurer un petit coup, j’avais les boules dans le creux de la gorge, et du mal à avaler cette sidérante nouvelle, au point de ne pas y croire. Mais si le dirlo du Point en était certain, cela devait être vrai.
Cependant, en appelant PB sur son portable (0654321ZERO) pour vérifier qu’il était vraiment mort, je n’ai pas été du tout rassuré : son répondeur sonnait inoccupé… comme d’habitude. Tant pis, avec le concours d’Angelina, j’ai fait mon devoir et concocté une nécro la plus objective qui soit, celle que voilà : 
« C’était un écrivain prometteur. À ses débuts, précoces, il a vendu pas mal de livres, touché un certain nombre d’à-valoir et vite séduit quelques académiciens français qui lui ont permis d’obtenir plusieurs prix littéraires. Mais l’un de ses titres de gloire est sans doute d’avoir fait partie de la bande à Déon (Michel, de son prénom), lui-même ayant appartenu à ces fameux « Hussards », des écrivains étiquetés à droite (Nimier, Laurent, Blondin, pour ne citer que les principaux) qui, dans les années 50-60, sortirent la littérature de sa léthargie en s’opposant notamment aux intellectuels de gauche ralliés à Sartre. Patrick Besson, ainsi que des auteurs comme Neuhoff et Tillinac, ont eux-mêmes été qualifiés de néo-Hussards, un peu abusivement 
Après un parcours littéraire remarqué où il eut maintes fois l’occasion de goûter à la célébration, notre ami l’écrivain Besson, en manque de lecteurs enthousiastes, découvrit assez vite les affres de l’anonymat. Il aurait glissé lentement vers l’oubli si sa plume, au demeurant alerte, n’avait pas retenu l’attention de certains rédacteurs en chef, de toutes obédiences, qui firent de lui un chroniqueur (une fonction qu’il exerça très jeune à France Culture, auprès de Roger Vrigny). Il s’autorisa tellement de fantaisie dans ce rôle d’échotier-critique, où il se montra souvent très insolent, qu’il finit par agacer ses généreux employeurs, qui remercièrent cet incontrôlable pigiste sans le moindre préavis ni aucune inimitié. Et c’est là où, après avoir brillé sous les feux de la rampe, il disparut de plus en plus des écrans radars. Il serait sans doute aujourd’hui SDF ou clodo s’il n’avait tapé dans l’œil frétillant du très influent Franz-Olivier Giesbert, dit FOG, le directeur du newsmagazine Le Point, qui lui offrit un job très nourrissant : maître-queux chroniqueur. Ainsi Besson, fine gueule à ses heures, truffa-t-il ses chroniques de considérations culinaires et de bonnes adresses, au point de devenir un critique gastronomique de l’aune d’un Jean-Vincent Placé, le sénateur écolo, fieffé mangeur de notes de frais. En bon parasite mondain, Besson se plut aussi à encenser les puissants et à dénigrer les méritants, reniant ainsi ses convictions politiques qui le font encore prôner le communisme (t’as du chic, coco !). S’il n’était pas si épais et corpulent, on l’imaginerait aisément en train de faire le grand écart entre la soupe populaire et Drouant. Ah ! Drouant, Dieu sait qu’il y casse régulièrement la graine, en tant que juré du prix Renaudot, tout en gardant une dent contre les membres du Goncourt qui n’ont jamais cru bon de le primer, donc de le rendre riche à millions.

Et les livres dans tout ça ! Il en écrit quasiment plus, mais il recycle ses vieux papiers journalistiques dont certains ont largement dépassé la date de péremption, à tel point qu’il publie des ouvrages périmés. Attendez-vous à voir apparaître bientôt une resucée de ses chroniques du Point. Réchauffées, il paraît qu’elles sont meilleures que fraîches, vous m’en direz des nouvelles. Ah ! Des nouvelles, notre polygraphe en goguette sur la Côte en a troussé plus d’une dans sa chambrette niçoise ! Si elles vous ont échappé, rassurez-vous, moi aussi j’ai glissé sur le papier glacé où elles s’étalaient comme des courtisanes fatiguées de porter leurs misères hautaines. 

Mais voilà que Patrick le Conquérant est mort, que le gerfaut s’est envolé par-delà les airs, et nous voici orphelins. Ayons de la peine pour lui, et laissons-le en paix, car quoi qu’il ait fait, il n’aura jamais démérité. » 
J’allais montrer ma copie à FOG, quand des coups de marteau m’ont réveillé en sursaut. Les ouvriers qui travaillaient à la rénovation du studio jouxtant mon T2 étaient déjà à pied d’œuvre alors que mon réveil marquait 8 heures. Forcément, je me suis levé du pied gauche, et ce fut pour moi une journée de « mouise ». Mais l’essentiel n’était-il pas que notre bienheureux Patrick fût en vie et pût continuer à chroniquer brillamment au Point, où il s’éclate, sans se la péter… encore que !
Pour me faire pardonner d’avoir joué avec sa vie, et de vous avoir, chers lecteurs, induit en erreur le temps d’un « post timbré lettre prioritaire », je vais vous donner un bon conseil. Dans l’immense œuvre littéraire de ce grantécrivain transnational, je vous recommande ce très grand roman : 
« Mais le fleuve tuera l’homme blanc » : http://www.fayard.fr/mais-le-fleuve-tuera-lhomme-blanc-9782213629667
C’est bien simple, pour moi, ce livre est dans la lignée du « Docteur Jivago », ce chef-d’œuvre du poète et romancier russe Boris Leonidovitch Pasternak, lauréat du prix Nobel de littérature en 1958 (prix qu’il refusa pour des raisons que « Pébé » vous expliquera mieux que personne). Du coup, tandis que l’on sanctifie le quasi-nonagénaire Jean Bruno Wladimir François de Paule Lefèvre d’Ormesson, l’aristo surnommé Jean d’O, me vient cette interjection : « Mais qu’attend Antoine Gallimard pour accueillir Patrick Besson dans la Pléiade ! »

Voilà. Je crois que je vais en rester là pour aujourd’hui. Si je me suis fait plaisir avec ce petit morceau de bravoure, c’est qu’après mon opération de la prostate (voir mes articles antérieurs, qui valent tous le détour), les choses tardent à se remettre en place, et ça me fout les glandes. Je ne peux pas en faire toute une montagne, surtout en m’adressant à vous qui compatissez (con t’a pissé !), alors j’en fais tout « incontinent ». Or moi, quand le stress me gagne, l’écriture reste le meilleur moyen d’y échapper. Certes, je vais replonger dès ce post envoyé, mais je trouverai autre chose à écrire, et ainsi de suite jusqu’à… ma disparition, qui n’est pas pour demain, encore que je n’en sache rien, car c’est une chaîne sans fin. En outre, il va être 15 heures, et j’ai sacrément la dalle, comme on dit chez les argonautes (pas les compagnons de Jason, celui qui conquit la Toison, les argonautes contemporains, disons les ergoteurs du Net, qui sont légion).
Et si je me lançais dans une odyssée telle que l’Iliade ? Non, pas recommandé, au moment où le grec et le latin sont dans le collimateur de Madame Najat Vallaud-Belkacem, la ministre féministe de la Rééducation nationale.

Sans rancune, mon gros Patrick (un quintal et des poussières, couché).
Ton petit Jean-Pierre (un mètre soixante-dix-neuf et demi, debout)

P.-S. : Si j’ai laissé traîner quelques fautes à certains tournants, ne m’en veuillez pas, j’écris en conduisant sur une route accidentée, pas un gramme imbibé, mais sous l’empire d’un soleil couchant qui m’aveugle intensément.

samedi 18 avril 2015

LE GRAND ÉCRIVAIN CÉLINE… et moi, pauvre de moi, l’écrivaillon Jean-Pierre Raison

IL Y A DES JOURS OÙ JE ME DIS QUE JE FINIRAI COMME MONSIEUR CÉLINE ! 
Sauf que je ne suis pas Céline, mais un modeste écrivain, et que je n’habite pas une maison sur les hauteurs de Meudon (Hauts-de-Seine) avec à mes côtés « l’amour de ma vie » et des animaux de compagnie, dont un chat.
Pourquoi serais-je Céline (le pseudonyme choisi par Louis-Ferdinand Destouches, et qui correspond au prénom de sa grand-mère maternelle) puisque le prénom de la mère de ma mère est Marguerite ?
Pourquoi finirais-je mes jours dans une maison à Meudon avec ma dulcinée et un matou, quand j’ai toutes les chances de terminer ma vie dans une maison de retraite subventionnée (petite pension oblige), donc sans le sou (et sans le moindre droit d’auteur) ?
C’est-à-dire que je mourrai illustre inconnu et presque dans la misère, avec une petite œuvre qui passera à côté de la postérité, sinon abandonnée dans un recoin de mémoire numérique pour l’éternité (parce qu’Internet me semble bien parti pour disparaître après tout le monde grâce à je ne sais quel abri antiatomique au fin fond de je ne sais quelle galaxie).
Croyez-vous que pareille perspective soit de nature à me couper l’envie d’écrire ? Diable non ! Au contraire, j’ai acquis cette conviction que je suis porteur d’un chef d’œuvre (ou de plusieurs grands livres), et que le moment venu, il sortira de mes tripes. Déjà, vous sentez bien que ce blog annonce le meilleur, même si je me fais le plus souvent le porte-parole du pire.
Oui, plus le temps va passer, plus je vais me radicaliser. Progressivement, je vais entrer dans le dur, pour me rapprocher du périlleux, de l’infranchissable, de l’inéluctable. Quitte à risquer le tout pour le tout, je vais m’évertuer à « jerker sur le fil du rasoir ». Borderline, alors ? Non, tout schuss sur la crête, plein pot sur le verglas, à fond de train sur la voie sans issue, à moi la mort où je me tue !
Liberté d’expression, comme Charlie et tutti quanti ? Mieux que ça : désinhibition totale en courant les pires dangers, et sans faire de mal à personne (ou alors indépendamment de ma volonté). « Cause toujours, Raison, t’iras pas loin et tu l’auras dans l’os ! » Sans doute les filles, sans doute les mecs, mais il sera toujours temps de pleurer après s’être beaucoup marré.

Hier soir, ce matin, il y a un quart d’heure, je ne savais pas que j’allais écrire cela, et cependant je l’ai fait (en peinant comme pas permis !). Voyez bien que tout est possible, et que ça ne coûte rien de le dire.  
Vous savez quoi pour finir ? Ces lignes ne valent rien, mais rien ne vaut Céline. Qu’y puis-je ? Ça ne m’empêchera pas de dormir, comme ça ne m’empêchera jamais d’écrire. 
Faites le 15 et appelez le SAMU si ça vous chante. Moi, je suis serein, conscient, conséquent avec moi même, je suis ma route et je n’en dévierai jamais… 
Je vous demande juste une petite faveur : n’en dites rien à mes proches, il y a belle lurette qu’ils sont au courant. Ma mère n’a jamais cessé de me répéter : « Toi, t’es pas comme les autres ! » Ça l’affligeait et ça m’étonnait de la voir dépitée. Bon, c’était des mots sincères, sans gravité excessive, qui m’attristaient cependant, car venant de « ma chère et tendre maman ». Quand, un beau jour, elle est allée jusqu’à lâcher cette apostrophe : « T’es moitié fou ! », cela aurait pu finir par m’inquiéter, sauf que « mon franc et malicieux père » (auquel je ressemble, dit-on) qui passait dans les parages au même moment, ne put résister à l’envie de lâcher cette interjection : « Moitié ! » Je ne les ai jamais autant aimés depuis, même si je les ai aimés encore davantage quand en d’autres circonstances (un chômage qui persévère et une folie d’écrire qui s’aggrave), ma mère a eu le cran de m’avouer, à voix douce, combien je les désolais, à travers cette simple phrase : « Si c’était pas toi, on serait heureux ! » J’ai beau être dur au mal que peuvent faire les mots, vu que je ne me prive pas toujours d’en user et d’abuser de leur pouvoir dévastateur, j’ai si bien encaissé le coup que je m’en souviendrai à vie, y compris aujourd’hui où mes parents sont à jamais disparus. Comme Sisyphe, cette pierre qui roule en moi et me retombe dessus indéfiniment, me damne, et me condamne à les aimer aveuglément, mais je me dis en même temps ceci : « Si je n’avais pas su cela, vous ne pouvez pas vous imaginer comme je serais malheureux ! »

À plus joyeux, encore que la joie ne soit rien comparée au bonheur…