vendredi 27 septembre 2019

À NANTES, LES PROMOTEURS IMMOBILIERS DÉTRUISENT À GOGO ET LA MUNICIPALITÉ EN EST GAGA

C’est l’histoire d’une maison qui aurait pu 
disparaître sans que je m’en aperçoive, 
et la face du monde n’en aurait pas été changée. 
Grâce à Dieu, et au président de la Fédération 
des promoteurs immobiliers (FPI) 
actuellement en villégiature à Saint-Castou, 
je n’ai pas assisté à sa destruction sauvage 
par une pelle mécanique hydraulique 
plus enragée qu’un éléphant en rut.


C’était une belle et grande maison. Vue de l’extérieur, elle paraissait en très bon état. Comme si on venait de la ravaler. En plus, elle avait des fenêtres à double vitrage. 
Mais les promoteurs immobiliers ne s’arrêtent pas à ces détails-là. Il y avait bien une enseigne qui disait : « Ici, prochainement… ». On connaît la chanson, alors on s’interrogeait : ces informations doivent concerner les autres constructions, plutôt modeste, du moins sans prétention, encore que l’une d’elles avait son charme.
Mais ELLE, ma belle et grande maison, elle avait du cachet. On avait posé un immense panneau sur l’une de ses façades d’un blanc immaculé. Il sautait aux yeux, les automobilistes ne pouvaient pas le manquer. Comme par hasard, un feu de circulation permettait aux conducteurs de prendre le temps de lire le message publicitaire inscrit en bleu roi (le roi des démolisseurs associés).
Cela a donc duré un certain temps, pour ne pas dire longtemps, puis d’un seul coup ou presque, on a démoli cette superbe maison. On l’a détruite en moins de deux, ainsi que les bâtiments adjacents. Personne ne devait s’y attendre, si ce n’est les futurs propriétaires qui devaient être impatients de voir leurs biens sortir de terre. 
La démolition s’est faite en un rien de temps. Elle a eu lieu en août, soit en plein été. Pourquoi en août ? À Nantes, c’est toujours ainsi avec les promoteurs. La municipalité, qui tient à ce que l’on n’ébruite pas certaines destructions massives, dont elle ne peut pas être fière, leur accorde cette possibilité de faire disparaître une maison à un moment propice :  à une période où un maximum de Nantais sont en vacances. Au retour, il sera trop tard pour piailler, la pilule sera vite avalée, car ils n’ont qu’une chose en tête : la rentrée scolaire. Il reste que les gens ont de la mémoire, et ils ne seront pas heureux de constater que l’on a profité de leur absence pour rayer une belle maison de la carte. Ils rouspéteraient d’autant plus que, très attachés au patrimoine foncier, ils auraient préféré que ce bel édifice soit conservé. 
On se bat contre l’obsolescence programmée, et là, on ouvre les bras à des promoteurs qui n’ont qu’une idée en tête : remplacer une maison et son jardin par une structure en béton soi-disant moderne. Ainsi va la croissance en folie.

Ça, c’était avant que je me relise, 
et que je potasse mieux le sujet.

Nous voici donc à nouveau au tout début, c’est-à-dire en 2013. Je revenais de l’hypermarché Auchan de Saint-Herblain, situé route de Vannes. Cette route de Vannes est une des principales artères qui mènent directement au centre de Nantes. Ceux qui vont sur la Côte d’amour (qui s’étend de Saint-Nazaire à Mesquer, en passant par La Baule/Le Pouliguen et tout le tintouin), comme ceux qui en reviennent, n’empruntent pas une autoroute, mais une 2x2 voies. L’été, c’est un axe très couru, sinon bien fréquenté, donc souvent encombré. Ce jour-là, il devait être 20 heures, j’avais du temps devant moi et le chemin était libre, je me montrai plus curieux que d’ordinaire. J’ai toujours eu l’œil sur les constructions nouvelles, parce qu’avec les promoteurs immobiliers, il faut s’attendre à tout, c’est-à-dire au pire. Or, en arrivant à la hauteur du 50 route de Vannes, j’eus un choc en voyant de grands panneaux apposés sur les deux façades latérales d’une maison en parfait état et très belle. Ah ! ce n’était pas une superbe villa hors de prix, dont personne ne rêve plus, hormis quelques people enrichis. Non, il s’agissait seulement de l’une de ces maisons de caractère que les gens aisés se disputent, et qui font encore le charme d’une cité comme Nantes. Car l’urbanisation et la bétonisation sont en train de tout ruiner. Il y eut d’abord l’apparition des cages à lapins, destinées au petit peuple, puis l’émergence d’immeubles ni beaux ni laids, dévolus à la classe moyenne. Ensuite, des édifices apparemment plus cossus, réservés aux parvenus, firent un moment illusion. Enfin, des bâtiments inqualifiables abritant des habitants indescriptibles virent subitement le jour. Et l’on comprit alors que la civilisation avait muté, qu’une ère nouvelle venait de naître, qui finirait tôt ou tard par nous conduire au néant absolu.
En vérité, les choses ne se sont pas déroulées exactement comme je pensais. Ça, c’est dû à mon tempérament : j’ai «un peu» tendance à exagérer, ou bien je me lance dans des raccourcis qui en disent long sur ma capacité imaginative. En clair, il m’arrive de me planter, et de pousser Jean-Pierre dans les orties. Bilan : ça pique de partout, et ça fait un mal de chien perdu sans collier.

Passons sur ces jeux de mots faciles, et reprenons la laisse en main, revenons donc à 2013 et à une vue globale de cette maison :


Puis à des vues de ses façades, avec leurs divers panneaux :
D’un côté,

« Ici, prochainement, 50 appartements, Devenez propriétaire ! », 
avec l’adresse internet de leur site web :
« www.les50akerys.com », puis leur téléphone « 0970823535 », 
et leur raison sociale : « AKERYS » 
[Akerys, est un groupe français spécialisé dans l’immobilier, en particulier l’investissement locatif.]

•  De l’autrele même genre de décoration, tout aussi racoleuse :

Enfin, un gros plan de l’espace de vente :


Quasiment mitoyenne de l’imposante maison de caractère, il y a une habitation toute simple, d’à peine deux étages, légèrement en retrait de la chaussée, qui est également tombée dans le panneau (à moins que ce soit l’inverse !). Sauf qu’on l’a désignée pour devenir « Espace de vente ». C’est donc par elle que passeront les clients et que se feront les affaires. Elle qui, au final, sera vouée au sacrifice. Merci pour le service rendu ! 
Bien qu’un mini-espace les sépare, cela montre bien que les deux constructions ne sont pas du même milieu (social). N’empêche que pour le promoteur, une fois bien emballées, elles feront partie du même paquet-cadeau.

Pour l’heure, l’endroit est moyennement commercial. À première vue, les voitures passent et repassent sans trop se soucier de ce qui se trame tout près d’elle. Quant aux chalands, ils sont moins attirés par ces « maisons-sandwiches » que par le Casino shop qui vient de s’installer juste en face. Néanmoins, les automobilistes lèvent le pied ou s’arrêtent parce qu’ils y sont obligés : il y a là un feu de circulation tricolore qu’il est conseillé de respecter.



Chacun le sait, on ne voit pas le temps passer ni l’eau qui coule sous les ponts en été comme en hiver. 
Ainsi, cinq ans plus tard, en 2018, la maison était toujours là, et l’on s’est mis à croire que les panneaux qui la décoraient ne la concernaient pas, qu’elle avait « seulement » servi d’appât.
D’ailleurs, Google Maps street view l’avait photographiée à 360° !
Oh qu’elle était belle et lumineuse ! On aurait dit qu’elle avait rajeuni avec les années. 



Et c’est alors qu’en ce mois d’août 2019, revenant gaiement de la Côte d’amour, en l’occurrence de Batz-sur-Mer (car la presqu’île guérandaise fait partie de cette Côte d’amour… qui a de plus en plus la cote auprès des vacanciers), que je fus estomaqué de ne plus voir sur mon chemin cette maison du 50 route de Vannes que j’avais tant vantée !
Que s’était-il donc passé ? Par quel coup de baguette magique cette demeure si sûre d’elle avait-elle disparu ? Certes, tout un lot de constructions diverses et variées jouxtant la belle maison avait connu le même sort. Mais qu’est-ce qui avait déclenché ce grand nettoyage ? Subitement, les enchères entre le promoteur et les accédants à la propriété avaient dû se débloquer. L’exigence du premier et la ténacité des seconds s’étaient enfin rencontrées, et la machine à signer avait fait le reste. Bref, l’habitation hier si convoitée avait été réduite au rang d’une vulgaire bicoque, et on l’avait passée par pertes et profits sans verser une seule larme. Pour un peu, on y aurait vu de la magie : par un tour de passe-passe du promoteur, elle s’était volatilisée à jamais. 
Ça, c’était la version onirique de l’histoire, parce qu’en vérité, le bâtisseur échevelé les avait tous blousés… moi compris. Je croyais au ciel et il m’avait démontré que l’enfer avait du bon quand il permettait de telles manipulations. En clair, moi l’idéaliste attardé, je m’étais fait avoir en beauté, tandis que les gens de la municipalité avaient dû trouver cette tromperie prodigieuse.
Bien sûr, ils ne l’emporteraient pas au paradis, car j’avais pris la décision de me mettre en travers de leur route (de Vannes), en me présentant aux prochaines élections en mars 2020.

Vivement la prochaine campagne municipale !
Karl Max la Menace.

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