Je me souviens de cette « Lettre ouverte à Jean-Marie LE PEN » (le fils d’un patron pêcheur et le père de la Marine) envoyée en 1984 au quotidien Libération alors dirigé par M. Serge July, l’un des fondateurs, en 1968, de la maoïste « Gauche prolétarienne », un groupuscule qui se voulait tout à la fois autoritaire et libertaire.
En cette année 1984, moi le bon à tout et le propre à rien, je me trouvais très en dessous du creux de la vague, en pleine mouise, sans emploi ni la moindre annonce à me mettre sous la dent. J’avais beau racler le fond de la merde (sorry !) avec mon chalutier « chômagique », je ne ramassais que des poissons morts et des bouteilles vides. Alors, j’ai fini par prendre ma plus belle plume pour me faire entendre d’un homme qui montait allègrement dans les sondages bleu-blanc-rouge de la France socialo-communiste, tandis que je m’enfonçais à cent mille lieues dans les profondeurs de l’océan noir de mes nuits blanches.
Ce paragraphe un peu cru et provocateur vous donnera un aperçu du contenu du manuscrit que j’ai écrit durant ma traversée du désert (mon chômage de longue durée), et qui sommeille dans cette valise en carton bouilli renfermant mes divers textes inédits. Un manuscrit que je ne suis pas sûr de publier, mais que je vais bientôt mettre en page pour, le cas échéant, le commercialiser par le biais d’une souscription (pour les radins, un fichier PDF à dix euros). On en reparle. [Je le sais, dans presque tous mes articles, je m’engage à quelque chose. Sauf exception (une certaine tendance à la procrastination) ou cas de force majeure (un petit tour en psychiatrie ou une cure de désintoxication… c’est pour rire !), quand je le dis, je le fais. Et quand je ne le fais pas, je le dis aussi. C’est ainsi que vous ne saurez jamais à quoi j’aurais utilisé les 190 millions de l’Euro Million du 24 octobre dernier, si je les avais gagnés. Dommage, le titre était bon — « Mécène du culte » — et ce n’était pas du tout cochon.]
Bon, revenons à ce menhir breton appelé président du Front national, et rappelons-nous qu’aux élections européennes de 1984, Jean-Marie Le Pen a fait le même score que Georges Marchais : 11 % des voix. Et c’est là où le bât a blessé, car, en m’adressant au chef des frontistes, j’ai eu à subir les foudres de mes camarades communistes. [Vous comprendrez en lisant ma lettre ouverte, reproduite à la fin de mon article.]
Par « je », j’entends le signataire de ladite lettre, qui n’est pas moi ni mon alter ego, seulement mon agent double : SOS 118 (le 118 correspond au numéro des renseignements téléphoniques : « Allô ! Le Français d’en haut ? Ici le péquenot d’en bas ! »).
Bref, ma lettre, destinée à la rubrique Courrier, a été publiée le 6 juillet 1984, et ce fut pour moi comme une énergisante bouffée d’air frais. Contrairement à Émile Zola, je n’y accusais personne, j’appelais seulement JMLP à mon secours, fût-ce avec humour. À cette époque (déjà 30 ans !), la presse écrite usait de sa liberté, et l’ardent « Libé » en abusait gaillardement. Il est vrai que les soixante-huitards y occupaient une place de choix. Aujourd’hui, cette même presse a les coudées tout aussi franches, mais les esprits les plus audacieux sont prisonniers de « certaines pesanteurs sociologiques ».
Moi qui étais gaulliste en mai 68 (et je le suis resté), j’avais pris des risques en sortant cette flèche de mon carquois pour la lancer à la figure d’anciens combattants de cette guerre tribale qui opposait l’ordre à la chienlit. De gros risques, car je ne me doutais pas vraiment qu’ils balanceraient eux-mêmes ma missive à la figure de leurs affidés lecteurs libertariens. Les premiers pouvaient me dénoncer à la police politique de l’époque, et les seconds venir me lyncher à la sortie de mon domicile.
Pour être plus sérieux, je dois avouer que, trente ans après, je ne sais plus exactement ce qui m’a poussé à écrire cette lettre ouverte à Jean-Marie LE PEN. Était-ce vraiment un appel au secours ? Dans l’état professionnel et personnel où je me trouvais en 1984, personne, à part moi-même, ne pouvait me sauver. Non, faute de pouvoir mobiliser une compagnie de CRS, j’ai eu simplement envie de jeter un pavé dans la mare… au canard « Libé ». Jamais mon très cher Canard enchaîné n’aurait eu la faiblesse de publier un courrier pareil. Pas par crainte de qui ou quoi que ce soit. Non, parce que, pour eux, mon humour n’était pas du niveau de celui des journalistes maison. Au Canard, ils aiment bien rire de tout, mais d’abord entre eux. Autrement dit, ils n’attendent rien de personne pour se moquer des autres, de même que je ne compte pas sur eux pour me donner des leçons… ce qu’ils ne m’ont jamais proposé, étant entendu que j’aurais refusé cette humiliation. On a beau être un sans-grade, on a de l’honneur, bordel ! [J’ai mis tout ce paragraphe en bleu pour faire un équilibre avec celui d’avant en rouge… et pour faire tricolore : « Allons enfants de la Patrie/i-e, mon jour de gloire est arrivé ! ».]
Voilà donc l’histoire de ce guignolesque envoi postal, avec cette précision : tout en déclinant mon identité auprès de la rédaction de Libération, j’avais signé cette lettre sous un pseudonyme : G. Le SIDA. Pour les imbéciles peureux, que vous n’êtes pas, je précise que « G. Le SIDA » peut aussi s’écrire « J’ai le Sida ». Un Sida qui ne m’a pas touché pour la bonne raison que je ne m’y suis jamais frotté.
Quant au titre retenu par le journal, il est extrait de ma lettre. Car, si le dénommé G. Le SIDA a récolté tous les maux, moi, j’adore parsemer mes textes de bons mots ou de bonnes trouvailles langagières. Reconnaissez que les petits-fils naturels ne doivent pas être légion, surtout s’ils n’ont jamais été reconnus, et qu’il faut s’appeler Raison pour inventer une telle idiotie.
Peu de temps après la parution de ma lettre ouverte dans Libération, ce fut un hebdomadaire nantais spécialisé dans les petites annonces, Nantes Inter Service, à qui j’avais envoyé cette même lettre, qui la publia (voir en fin d’article)… sans savoir que j’en étais l’auteur. Je ne m’étais pas fait connaître, j’avais usé d’un pseudonyme. Pas par frousse ni lâcheté, parce que des mois auparavant, j’avais sévi dans cet hebdo où je tenais une chronique ébouriffante, intitulée « L’humeur de Jean Mareuil », etc.
Je ne suis pas sûr que vous me suiviez encore, alors j'arrête les frais et, pour éclairer votre lanterne, je vous renvoie aux passages des deux livres suivants, dont je suis l’auteur, et où j’évoque ce qui précède (ma lettre ouverte envoyée à la fois au grand organe de presse national et au petit support de pub local), plus ma démission de Nantes Inter Service) :
Je ne suis pas sûr que vous me suiviez encore, alors j'arrête les frais et, pour éclairer votre lanterne, je vous renvoie aux passages des deux livres suivants, dont je suis l’auteur, et où j’évoque ce qui précède (ma lettre ouverte envoyée à la fois au grand organe de presse national et au petit support de pub local), plus ma démission de Nantes Inter Service) :
1) L’écriture est une drogue dure (pp. 78-79) :
2) Le quotidien d’un “O.S.” du journalisme (pp. 82-84) :
(ou l'édifiant témoignage d'un correspondant de presse nantais)
http://www.petitpave.fr/petit-pave-quotidien-d-un-journalisme-362.html(ou l'édifiant témoignage d'un correspondant de presse nantais)
http://www.amazon.fr/Le-quotidien-dun-OS-journalisme/dp/2847123040
Ah les archives! Il faut faire attention au second degré quand on publie car les lecteurs sont souvent pressés! Petit détail : le Canard ne publie jamais de courrier de lecteur sauf contraint par un droit de réponse...A te lire. Repos!
RépondreSupprimerAh ! Mon bon Gérard, te voilà enfin ! Enfin tu te manifestes. J’attendais tes réactions avec impatience. Ton silence aurait fini par devenir assourdissant.
RépondreSupprimerTouche pas à mon “Canard”, c’est ça ! Mais je l’aime autant que toi, notre “Canard”. La preuve, j’ai fait semblant de le châtier, sinon ses plumes auraient volé. Je sais qu’il ne publie jamais de courrier de lecteur, mais quand on lui présente bien une belle et bonne information, ou un point de vue qui l’asticote, il s’en empare et trouve toujours le moyen de les reproduire… à sa façon.
À te relire, soldat Jovené, garde-toi bien, et sois tranquille : la Légion veille.
Nota : As-tu reçu mon mail du 28 octobre ? Je t’invitais à passer trois jours à Aubagne. Et Aubagne, tu le sais, ce n’est pas Cayenne !